JURISPRUDENCE

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

RESPONSABILITE

Responsabilité médicale

Faute dans le diagnostic

Il appartient aux juges du fond d’apprécier souverainement dans quelle mesure l’erreur de diagnostic du médecin constitue une faute susceptible d’engager sa responsabilité. Un médecin commet une faute s’il ne recherche pas le risque médical déjà repéré par un confrère.

Faute dans les soins

Le médecin n’est pas tenu de guérir le patient mais doit mettre tout en œuvre pour que le patient reçoive les soins adaptés. Il est tenu d’une obligation de moyen et non de résultat. La solution est classique.

Faute dans le matériel utilisé

Le médecin est tenu d’utiliser un matériel qui ne présente aucun défaut et qui n’est pas susceptible de causer un dommage au patient. Il s’agit là d’une obligation de résultat.

Faute post-intervention

L’absence de suivi post-opératoire du médecin peut constituer une faute susceptible d’engager sa responsabilité. Les juges apprécient souverainement cette faute.

Défaut d’information

Il appartient au médecin de rapporter la preuve qu’il a bien exécuté son obligation d’information. Cette preuve peut être rapportée par tout moyen.

Un devis ne suffit pas à caractériser la bonne exécution du devoir d’information.

Plusieurs éléments permettent de déterminer si l’information due par le médecin a été délivrée :

. Les diverses consultations avec le médecin avant l’intervention.

. Que ces consultations se soient étalées sur plusieurs mois.

. Le délai écoulé entre la dernière consultation ou la décision d’une intervention chirurgicale a été prise et l’intervention elle-même

. La compétence du patient.

En cas de défaut d’information, est réparable la perte de chance d’avoir pu renoncer à l’intervention.

Responsabilité du fait d’autrui

Responsabilité de l’employeur

Lorsque le salarié cause un dommage dans l’exercice de ses fonctions, l’employeur est le seul responsable si la faute du salarié n’est pas de nature pénale et n’est pas intentionnelle. Le salarié bénéficie alors d’une véritable immunité civile.

Le salarié est seul responsable de la faute qu’il a commise en cas d’abus de fonction. L’abus de fonction est caractérisé lorsque le salarié agit hors des fonctions auxquelles il est employé, sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions.

Ne constitue pas un abus de fonction, le salarié qui détourne des fonds qui lui ont été remis dans l’exercice de ses fonctions.

Lorsque le salarié cause un dommage dans l’exercice de ses fonctions, qu’il commet une faute de nature pénale ou une faute intentionnelle, il engage, tout comme son employeur, sa responsabilité. La victime peut se retourner contre l’un ou l’autre ou contre les deux. En pratique la victime se retourne le plus souvent contre l’employeur plus solvable. Ce dernier dispose alors d’un recours contre son salarié.

La faute pénale ou intentionnelle du salarié n’exonère pas l’employeur. Ainsi, un conseiller de clientèle qui fait souscrire, à son profit, des contrats d’assurance vie se rend coupable de détournement de fonds et d’abus de confiance. L’employeur répond du dommage subi par le client.

Responsabilité d’une association

Dans le cadre d’une prise en charge des personnes par un foyer d’hébergement

Hormis les hypothèses de placement judiciaire, il y a, en principe, un contrat entre le foyer d’hébergement et le résidant. Dans le cadre de ce contrat, l’association est tenue d’assurer la surveillance des personnes dont elle a la charge. En cas de dommage causé par un membre, l’association répond sur le fondement du contrat.

Toutefois, la surveillance des membres effectuée par le foyer d’hébergement trouve une limite dans le respect de la vie privée des membres en question. Par exemple, un foyer accueillant des handicapés mentaux ne peut pas voir sa responsabilité engagée si l’une des membres, ayant une relation amoureuse au sein de l’établissement tombe enceinte.

Dans le cadre d’une activité de loisir

Entre l’adhérent et l’association, il existe un contrat. L’adhérent, victime d’un dommage lors de l’activité, ne peut engager la responsabilité de l’association que s’il prouve que celle-ci n’a pas respecté son engagement contractuel. Il en est ainsi lorsque l’association n’a pas suffisamment assuré la sécurité de ses membres.

Concernant des activités comme la mini-moto, le quad, ou les balades équestres, l’adhérent a un certain contrôle sur l’engin ou l’animal utilisé. Dès lors, l’association n’est tenue que d’une obligation de moyen. Elle doit mettre en œuvre tous les moyens possibles pour éviter le dommage. Si tel est le cas, sa responsabilité ne sera pas engagée.

Responsabilité du fait des choses

Dommage causé par les choses inanimées 

Lorsque le dommage est causé par une chose immobile, la victime doit prouver le “rôle actif” de cette chose. Il en est ainsi lorsqu’est démontré l’anormalité de l’état ou de la position de la chose.

Par exemple, est anormale la présence d’une feuille de salade sur le sol du magasin et non sur l’étal, un plancher s’effondrant. Parfois une expertise est nécessaire pour déceler ce caractère anormal, c’est notamment l’exemple de la position d’une canalisation.

Dommage causé par les choses en mouvement

Lorsque la chose qui a causé le dommage est en mouvement, la victime n’a pas à prouver qu’elle a joué un rôle actif. Ce rôle est présumé. Il en est ainsi aussi s’agissant des choses dangereuses.

Est en mouvement, une poubelle tombant sur la coque d’un navire et provoquant une avarie, le rôle actif de la poubelle est donc présumé par sa chute.  

Est dangereuse, une plaque métallique à hauteur moyenne de visage d’une personne, difficilement décelable à la vue d’un piéton et hors d’une zone protégée du contact des piétons. 

Le responsable

Le responsable est le gardien de la chose. Est gardien celui qui a “l’usage, la direction et le contrôle de la chose”. Le responsable peut être un majeur, un mineur ou un majeur incapable. Le dommage ne doit pas résulter d’une action en lien de subordination avec une autre personne.

Par principe, on suppose que le propriétaire d’une chose est le gardien de celle-ci. Celui-ci devra répondre sauf à prouver qu’il n’avait pas “l’usage, la direction et le contrôle de la chose” lors du dommage. Le transfert de la garde résulte soit d’un acte volontaire (exemple : contrat prêt), soit d’un acte involontaire (exemple : perte ou vol). 

La victime du dommage

L’état médical antérieur de la victime peut avoir une incidence sur l’étendue de son indemnisation. Ainsi, lorsque l’état antérieur s’est manifesté avant la survenance du dommage, la victime est indemnisée des seules séquelles imputables au fait de la chose et non celles résultant de son état antérieur.

En revanche, si le fait de la chose révèle, accélère ou aggrave un état antérieur, il ne saurait y avoir réduction ou exclusion de l’indemnisation.

Responsabilité du fait des animaux

Le fait de l’animal

La victime doit démontrer que l’animal a été l’instrument du dommage. Tel est le cas lorsque, au cours d’une manifestation taurine la victime est percutée par un cheval, lorsque la victime se fait mordre par un chien.

Le responsable

Le principe est que le responsable est le propriétaire de l’animal, que celui-ci soit sous sa garde, égaré ou échappé. La garde suppose la réunion des pouvoirs de direction, de contrôle et dusage de lanimal. Un propriétaire peut s’exonérer de sa responsabilité s’il prouve qu’il a transféré la garde de l’animal. Tel n’est pas le cas par exemple lorsque, le temps d’une sieste, le propriétaire d’un chien confie celui-ci à un tiers sans donner aucune directive particulière.

La faute de la victime peut permettre au propriétaire de l’animal de s’exonérer de sa responsabilité. Ainsi, un homme alcoolisé qui s’introduit dans une propriété grillagée alors que des panneaux prévenaient de la présence de chiens commet une faute qui présente les caractères de la force majeure. Le propriétaire des chiens ne répond pas des morsures causées par ceux-ci.

Responsabilité pour trouble anormal de voisinage

Trouble olfactif

Le trouble anormal de voisinage peut être caractérisé par un trouble olfactif. Il en est ainsi par exemple lorsqu’un poêle à bois dégage une odeur de combustion excessive et entraine le dépôt de fumerolles noirâtres sur la terrasse des voisins. Il importe peu que le trouble ne soit pas continu. Il est caractérisé même s’il n’existe qu’en hiver et par vent du sud.

Trouble sonore

Le trouble anormal peut être caractérisé par des nuisances sonores. Il en est ainsi, par exemple, lorsqu’une personne fait un usage intempestif de sonos. Toutefois, la Cour d’appel de Montpellier estime que ne commet pas un trouble, le camping qui, en été, utilise des sonos dans la limite des horaires autorisés par arrêté municipal (en l’occurrence 23 h 30).

La caractérisation du trouble de voisinage suppose de rechercher non seulement si les plages horaires fixées par arrêtés préfectoraux ou municipaux sont respectées, mais encore si les nuisances sonores ne dépassent pas la valeur limite fixée par le Code de la santé publique.

Le Code de la santé publique (articles R. 1336-1 à R. 1336-16) réglemente les bruits de comportement et les bruits provenant des activités (activités professionnelles ou activités sportives, culturelles ou de loisirs organisées de façon habituelle), ainsi que les bruits provenant des chantiers. Pour chacune de ces catégories, le Code de la santé publique détermine des critères permettant d’apprécier si un bruit de voisinage porte atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé humaine.

Le caractère anormal du trouble sonore s’apprécie en fonction du moment où le trouble est subi et en tenant compte de l’environnement où il est subi. Ainsi une personne vivant dans une rue commerçante ne peut se prévaloir d’un trouble anormal causé par le bruit des livraisons et déchargements matinaux. De la même manière, les bruits causés par les groupes froids ne constituent pas, en journée, en raison de la localisation du logement (à proximité d’un port), un trouble anormal. En revanche, la nuit, ces mêmes bruits de réfrigérateur peuvent excéder les inconvénients normaux du voisinage.

Trouble causé par un prestataire

Le prestataire ayant installé des appareils frigorifiques et des extracteurs d’air à l’origine du trouble sonore subi par le voisinage doit répondre de celui-ci dès lors que l’installation s’avère inadéquate. Il importe peu que le prestataire n’entretienne aucune relation de voisinage avec la victime du trouble. Il appartient à ce dernier de faire les travaux nécessaires pour faire cesser le trouble.

Trouble causé par le locataire

Lorsque le trouble anormal du voisinage est causé par un locataire, celui-ci doit répondre des préjudices causés. Le propriétaire bailleur qui ne met pas en œuvre tous les moyens nécessaires pour faire cesser le trouble causé par son locataire, répond, lui aussi, des préjudices subis par les voisins.  L’envoi d’une mise en demeure de cesser le trouble au locataire, ne suffit pas. Le propriétaire bailleur doit obtenir la cessation définitive des troubles, quitte à mettre fin au bail.

Antériorité du trouble

Le trouble anormal de voisinage n’est pas sanctionné, lorsque l’activité occasionnant des nuisances est antérieure à l’installation des plaignants, lorsque l’activité se poursuit dans les mêmes conditions, et lorsque l’activité s’exerce en conformité avec la réglementation. Ces trois conditions sont cumulatives (art. L. 112-16 du Code de la construction et de l’habitation). Il suffit qu’une de ces exigences fassent défaut et l’exception pour antériorité du trouble ne joue pas.

Responsabilité du fait des accidents de la circulation routière

Victime conducteur

Le droit à indemnisation des victimes conducteurs peut être limité ou exclu lorsqu’elles ont commis une faute. Cette réduction de l’indemnisation dépend de l’appréciation des circonstances par le juge.

La cour d’appel de Montpellier a retenu que le fait pour un motard de circuler à contre sens à une vitesse excessive est une faute de nature à exclure totalement son indemnisation. En revanche, la cour retient que le fait pour un motard entré en collision avec un véhicule lors d’une tentative de dépassement, d’avoir pu être légitimement surpris par le changement brusque de direction du véhicule qui avait mis son clignotant seulement au moment de tourner, est de nature à limiter de moitié son indemnisation.

Les victimes super protégées (non conducteur)

Sont super protégées : les mineurs de moins de 16 ans, les majeurs de plus de 70 ans et les personnes soumises à une incapacité d’au moins 80%. Ces victimes ne peuvent être privées de leur droit à indemnisation que dans le cas où elles ont volontairement recherché le dommage (suicide).

Les autres victimes (non conducteur)

La victime non-conducteur qui n’est pas super protégée peut voir son droit à indemnisation limité si elle a volontairement recherché le dommage (suicide) ou si elle a commis une faute inexcusable qui est la cause exclusive de l’accident.

L’appréciation du caractère inexcusable de la faute relève du pouvoir d’appréciation du juge. Il est classiquement retenu que “la faute inexcusable est la faute volontaire d’une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable la victime à un danger dont elle aurait dû avoir conscience.”

La cour d’appel de Montpellier n’a pas retenu la faute inexcusable, du piéton ivre, drogué et couché sur la chaussée, car rien ne permettait d’établir avec certitude que cette victime s’était volontairement affalée sur la route. Ce sont les circonstances propres à la situation envisagée, qui sont déterminantes pour la caractérisation de la faute. Dans des situations voisines, des solutions différentes ont pu être retenues. À titre d’exemple la Cour de cassation a pu considérer que constitue une faute inexcusable le fait pour un piéton de franchir de nuit, un talus et une glissière de sécurité pour accéder à une route nationale où il s’est couché au milieu de la chaussée. Dans une autre situation, la faute inexcusable a été retenue pour une victime d’un accident de la circulation, en état d’ébriété, qui s’était allongée, de nuit, au milieu d’une voie de circulation fréquentée et dépourvue d’éclairage public. 

Implication

L’une des conditions d’application de la loi d’indemnisation des accidents de la circulation routière est la preuve de l’implication d’un véhicule dans l’accident. En l’absence de contact avec la victime, l’implication peut être retenue mais s’analyse dans les circonstances de chaque espèce.

La Cour d’appel de Montpellier a ainsi retenu qu’un cycliste, ayant perdu le contrôle de son vélo et chuté dans un fossé au moment où il croisait la route d’un véhicule arrivant en sens inverse, n’a pas rapporté la preuve que ce véhicule était impliqué dans l’accident.